vendredi 4 avril 2014

Salaud, on t'aime



Lelouch est vivant !


« … C'est un trou dans la terre, un chemin qui chemine
Un reste de racine, c'est un peu solitaire… »

Ils vont encore dire, comme à chaque sortie de film de Claude Lelouch, les mêmes choses ressassées, on peut faire une liste tellement c’est devenu une tradition :

-       Oui mais Lelouch fait reposer tous ses films sur la musique
-       Oui mais chaque film de Lelouch vampirise un tube du répertoire français
-       Oui mais Lelouch est démesurément narcissique
-       Oui mais Lelouch c’est gnangnan
-       Oui mais Lelouch ne fait pas de cinéma
-       Oui mais Lelouch traîne en longueur
-       Etc.

Certainement qu’il y a un peu de vrai (ou pas) dans tout ça mais le problème c’est que, je ne vois pas où est le problème. Peut-être que ceux qui aboient à chaque film de Lelouch n’ont simplement pas les beaux yeux. Ceux qui permettent de regarder la vie de la bonne façon. Lelouch a tellement les beaux yeux que pour lui la vie est devenue cinéma et vice-versa. Aussi facilement qu’une caméra qui tourne trop autour de ses acteurs. Aussi facilement que d’autres aiment tout compliquer pour se laisser penser qu’ils ont tout compris à tout.

Cette fois c’est Georges Moustaki qui fournit le tube du film. Un qui raconte la vie comme elle est ou comme elle devrait être : comme dans un film de Lelouch ce serait vraiment bien. Celle qui fait aimer, quoi qu’il arrive, les salauds et les autres. C’est une belle philosophie je trouve, c’est un beau message, mais le message ne plaît pas à tout le monde. Il faut dire que tout le monde n’aime pas aimer.

Aimer c’est tout aimer, le bon, le mauvais, l’imparfait. Aimer c’est voir la beauté là où les autres ne la voient pas. Ce « reste de racine » que les autres foulent parce qu’ils pensent que la vie c’est regarder bien haut ; et pourquoi pas tout écraser.

« Salaud, on t’aime » parle des racines, de la famille, des amis, de l’amour et il en parle d’une manière évidente, fluide, humaine. Comme à chaque film de Lelouch. Claude a tellement envie de parler de la vie que toujours il mêle la réalité à la fiction. Toujours un morceau de la vraie vie fait irruption dans la vie rêvée : cette fois et là encore, c’est Moustaki, disparu le 23 mai 2013, pendant le tournage, qui fournit la matière à cette incursion, avec un passage du film illustré par une séquence dans laquelle une radio fait une journée spéciale Moustaki suite à son décès. La réalité rattrape la fiction et Georges, même mort, participe. Et c’est parti pour Les eaux de Mars.

Tout ce qui peut paraître parfois maladroit devient insignifiant : un dialogue entre deux comédiens, pas assez (ou trop !) répété ; des personnages trop reluisants, trop beaux, trop brillants ; trop de musique par ci, trop de musique par là ; trop d’autobiographie ; trop de grandiloquence ; un détail qui tue. On s’en fout, c'est détail, c’est la vie et tout le reste est tellement jouissif. L’important c’est que ça fonctionne et ça fonctionne, et c’est beau, et c’est grand, et c’est soigné. Même quand ça parle de la mort, même quand c’est un peu plus noir que d’habitude, quand même, ça met en apesanteur.

Un film de Lelouch c’est retrouver à chaque fois la famille, l’univers : parfois un évadé de prison et un flash à la radio, parfois un monologue de 5 minutes, parfois Charles Gérard, parfois Jacques Villeret, parfois la guerre, parfois un gros casse et des gros titres.

Un film de Lelouch c’est comme un bon verre de gnôle qu’on siffle entre copains, de la bonne et rare, celle qu’on n’ouvre que dans les grandes occasions pour se saoûler de vie et de beauté et de vérité vraie.

Dans "Salaud, on t’aime", tous les copains sont là, ils ont « l’âge d’être leur père » et pètent la forme. Dans leur refuge dans la montagne, sous le regard de l’aigle, Eddy et Johnny regardent John Wayne dans Rio Bravo et font la BO en duo devant leur écran plat, comme dans un crépuscule des Dieux applaudi par un public aimant. Ces septuagénaires en pleine forme, ces icônes, notre famille, on les voit bien centenaires et toujours fringants. Et on les aime, quoi qu’il arrive.

Ceux qui n’aiment pas Lelouch sont peut-être ceux qui ne savent pas aimer.

Un salaud de père, je sais ce que c’est. Son absence m’a appris la souffrance, son absence m’a appris la mort et son absence, je le pense, m’a appris à mieux aimer. C’est peut-être pour ça que depuis tout gosse, j’aime les films de Claude Lelouch. Tous.


Salaud, on t'aime, de Claude Lelouch, avec Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, Sandrine Bonnaire, Agnès Soral, Rufus, Irène Jacob, Stella Lelouch.

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